-I- 

Il était trois heures de l’après-midi. La cloche du lycée Adams venait de sonner la fin des cours du jour. Une bande de garçons sortit les premiers, chahutant et bousculant les personnes se trouvant sur le passage. Une belle brune s’approcha et en accosta un.

-    Christopher, tu m’invites quand au restaurant ? Aujourd'hui c'est la saint-valentin !

Elle fit une moue et cligna des sourcils, convaincue que cela la rendait irrésistible.

-   Pas aujourd’hui Mélissa. J’ai mon cours de violon et je sais pas à quelle heure ce satané prof me lâchera. En plus, je sus sûre que ma mère en rajoutera une couche en m’obligeant à m’entraîner après le dîner.

-   Mais ça fait presque 2 mois que tu me l’as promis ! Si c’est comme ça, tant pis pour le dessert que je comptais t’offrir. Tu l’auras bien cherché.

La dénommée Mélissa lui tira la langue et lui fit un clin d’œil empli de sous-entendu avant de s’éloigner. Tous les gars de la bande reluquèrent son arrière train.

-   Eh ben ! lâcha un ami de Christopher. On se demande tous quel dessert elle t’avait concocté. Allez ! Pour une fois, sèche un de tes cours ! A chaque fois qu’une occasion du genre se présente, tes cours de violon se mettent en travers !

-    C’est pas ma faute si ma mère tient à ce que j’en fasse. Je lui fais plaisir. Pis, Melissa, j’peux me la faire quand je veux. Bon, tchuss. On s’voit demain.

En réalité, Christopher adorait ses cours de violon. Cet instrument était la seule chose à pouvoir éveiller des sentiments purs et profonds en lui. Il lui rappelait son père, et, au fil des années, il avait appris à apprécier ce qu’il jouait. S’il mentait effrontément à ses amis, c’était juste par peur de leurs moqueries. Il s’imaginait déjà ce qu’ils lui diraient.

Christopher était l’un des gars les plus populaires de son lycée. En plus d’être gentil et drôle, il était vraiment très beau. Il dépassait les 1m90 et était particulièrement bien taillés. Un fessier ferme et rond, une musculature dorsale formée par des heures de natation et une véritable tablette de chocolat à la place du ventre. Sa chevelure d’un noir charbon contrastait fortement avec ses yeux gris extrêmement clairs. Il était conscient de faire craquer toutes les filles, et accessoirement les homosexuelles du lycée, mais n’essayait pas d’en profiter. Il détestait profondément l’idée qu’elles ne s’intéressent qu’à son corps.

Il était presque 16 heures quand Christopher arriva à l’Ecole de Musique. Il était passé chez lui se changer et prendre son violon. Dès qu’il ouvrit la porte, son professeur sauta sur lui pour lui annoncer une grande nouvelle :

-   J’ai réussi à t’avoir un duo avec le pianiste le plus prestigieux de l’école ! Je suis magnifique ! Je suis merveilleux ! Tu te rends compte ! Le pianiste le plus prestigieux de l’école !

-    Vous êtes merveilleux ! répondit Christopher en riant. Et il est pour quand ce duo ?

-   Le 21 février ! Ils paraient que certains directeurs de grands conservatoires seront là ! C’est magnifique !

-   Le 21 ? Mais c’est vendredi prochain !

-   Justement ! Tu vas pouvoir montrer à quel point tu es doué !

Même s’il avait des facilités à interpréter les morceaux qu’on lui proposait, une semaine était trop court pour lui. Surtout pour un duo piano/violon.

       -  Vous répéterez dans l’auditorium ! Allez go, il t’attend et te dira quel morceau vous jouerez !

      -   Ah parce qu’en plus, c’est lui qui choisi le morceau. Il se la pète pas ce mec…

-  Tais-toi et vas-y !

-  Oui, Ô magnifique professeur.

Il ponctua sa phrase d’une petite courbette et sortit de la salle en rigolant. Il se dirigea droit vers l’auditorium, impatient de voir à quoi ressemblait ce, Ô combien magnifique, pianiste. Arrivé devant l’auditorium, Christopher marqua une pause et tendit l’oreille. Il ne l’avait jamais, ou à peine, entendu jouer mais savait qu’il était génial. N’entendant aucun son, il entra, se demandant si son prof ne s’était pas moqué de lui. Tout ce qu’il vit est un jeune homme aux cheveux roses.

- Il ne sait pas que l’auditorium est réservé ? pensa Christopher. Je vais me faire un plaisir de l’en informer.

Christopher détestait tout ce qui ressemblait de près ou de loin à de la rébellion. Il ne comprenait pas en quoi un adolescent pouvant se payer des cours de piano dans l’Ecole de Musique la plus chère de la ville avait le droit de se plaindre. De plus, ce genre de personnes le mettait généralement hors de lui à cause de leur orgueil mal placé et mal avisé. Il s’approcha et accosta l’étranger d’une voix qu’il voulait agréable mais menaçante :

-   Excusez-moi mais l’auditorium est réservé.

L’inconnu se retourna et le dévisagea. Ses yeux glissaient de haut en bas sur le corps de Christopher et parfois s’attardaient.

Christopher détestait qu’on le regarde ainsi mais il préféra se contenir et virer en douceur le royal popotin de cet imbécile de rebelle de cette salle.

-  C’est pas que j’aime répéter 10 fois les mêmes choses, mais… commença Christopher.

-  J’ai entendu ! le coupa l’inconnu. Je suis peut-être minuscule à côté de toi mais j’ai pas besoin d’appareil spécial pour t’entendre.

Christopher n’avait pas aimé la façon dont il lui avait répondu. Il se retenait de le gifler. Après tout, les moustiques sont facilement écrasables et Christopher n’avait pas envie d’avoir un meurtre sur la conscience.

-   Ecoute Minus, je suis pas… reprit Christopher

-   Con ? Si désolé. C’est un peu dommage. l’interrompit de nouveau le garçon aux cheveux roses. Pis qui t’as permis de me traiter de minus, lampadaire ? Et encore, je suis gentil. Même les lampadaires sont trop gros pour une comparaison avec toi. Pourquoi pas…Manche à balai géant ?

-  Manche à balai géant ? dit Christopher. Le manche à balai est fier de ressembler à un manche à balai. Puis au moins, MOI j’ai des abdos. MOI j’ai une musculature. Et puis tu sais ce qu’il te dit le manche à balai ?

-  C’est qu’il mordrait presque mon chère manche à balai ! ricana l’inconnu. Je ne demande qu’à voir cette étonnante musculature.

Christopher hors de lui déposa ses affaires. On ne l’avait jamais mis aussi hors de lui en si peu de temps. Trépignant de rage, il enleva sa veste et montra des bras musclés. Il détestait les débardeurs mais n’avait que ce vêtement de propre chez lui.

-   Satisfait ? demanda Chris.

L’inconnu haussa un sourcil et arbora un sourire suffisant.

-   Si tu crois que c’est parce que tu me montres tes bras et ta peau bien bronzée de que je vais changer d’avis, t’es encore plus stupide que je ne le pensais.

A ces paroles, Christopher enleva son débardeur et se mit à hurler : Alors maintenant, tu es satisfait, hein ? Tu vas arrêter de critiquer sans savoir ?

-   Peut-être que oui, peut-être que non… C’est pas parce que je mesure 1m67 que je vais m’écraser devant toi.

-   Tu devrais pourtant ! ajouta Chris. Je pourrais te faire très mal si je le voulais.

-   J’attends de voir ! cracha l’inconnu. Les prétentieux dans ton genre, je les aime généralement dans mon lit mais ton caractère a tout gâché…

Christopher l’attrapa par la gorge et le propulsa contre le mur. Il commença à appuyer sur sa gorge, essayant de l’étouffer.

-   Tu peux m’étouffer, souffla l’inconnu avec le peu de souffle qui lui restait, ça ne changera rien à ma vie. Ca me rendrait service au contraire.

En entendant ces mots, la colère de Chris retomba. Pourquoi s’était-il énervé pour si peu, pour quelques mots ? Il ne comprenait pas ce qui lui était passé par la tête. Il n’aimait pas que l’on critique le corps qu’il avait pris du temps à sculpter. Il lâcha l’autre garçon qui retomba à ses pieds en toussant.

-     Dégonflé.

-     J’ai pas envie d’avoir un meurtre sur la conscience.

Christopher se retourna et se dirigea vers l’endroit où il avait rageusement jeté ses vêtements. Il s’arrêta de marcher quand il sentit une main parcourir sa colonne vertébrale.

-  N’empêche, t’as un dos carrément sensuel. J’adore les musculatures dorsales aussi bien développées. Ca me donne des idées pas très catholiques.

Christopher se retourna et attrapa les poignets de son ennemi.

-   Ecoute, là, tu m’as franchement saoulé alors tes plans dragues, tu te les mets où je pense. D’ailleurs, je suis 100% hétéro.

La porte de l’auditorium s’ouvrit à ce moment.